Juger mieux en comprenant comment le cerveau tourne vraiment
Notre cerveau n’est pas un ordinateur. Il n’analyse pas froidement la réalité, il l’anticipe. Il ne se contente pas d’enregistrer le monde comme une caméra : il le projette, le simplifie, l’interprète. Comprendre cela, c’est déjà un levier pour mieux penser, mieux ressentir, mieux décider.
Dans ce deuxième article de la série CLARTÉ, nous explorons le fonctionnement réel (et souvent mal compris) de notre cerveau. Une plongée entre limites biologiques et ressources méconnues pour affiner son jugement et sortir des pièges trop répandus.
Le cerveau devine plus qu’il ne voit
Ce que nous appelons “perception” est, en réalité, une prédiction.
Notre cerveau, pour gagner en efficacité, anticipe constamment ce qu’il s’apprête à voir, entendre, sentir… et ajuste ensuite avec les signaux réels. Cela s’appelle la perception prédictive.
Le cerveau est donc une machine à combler les blancs, à fabriquer du sens là où il en manque, à remplir les vides de données avec des souvenirs, des modèles internes, des croyances.
C’est à la fois génial (gain de temps, intuition, action rapide) et dangereux (biais, illusions, raccourcis, erreurs de jugement).
Une simple illusion d’optique ou un quiproquo en réunion peut suffire à nous rappeler que notre perception est construite, pas captée.
Les émotions sont des informations, pas des ennemies
Autre malentendu fréquent : les émotions seraient irrationnelles, alors que la raison serait noble et logique.
C’est faux. Et surtout : inutilement culpabilisant.
Chaque émotion a une fonction : alerte, motivation, lien, protection, réajustement…
Les ignorer ou les juger ne les fait pas disparaître, cela les pousse simplement à s’exprimer autrement — souvent de manière plus floue ou plus forte.
📌 Une colère non nommée devient amertume.
📌 Une peur ignorée devient évitement chronique.
📌 Une tristesse réprimée devient fatigue ou cynisme.
Ce n’est pas “soit émotion, soit logique”. C’est plutôt : “une logique plus complète intègre l’émotion”.
La CNV permet de mieux identifier et formuler nos ressentis pour éviter les jugements automatiques…

Cerveau gauche ? Cerveau droit ? Faux débat
L’idée que certains seraient “cerveau gauche” (logiques) et d’autres “cerveau droit” (créatifs) est l’un des neuromythes les plus répandus… et les plus contre-productifs.
En réalité, les deux hémisphères coopèrent en permanence.
Les fonctions sont distribuées de manière bien plus fine. La logique, la créativité, le langage, les émotions : tout cela repose sur des réseaux interconnectés.
🧠 Résultat : croire à cette polarité artificielle peut conduire à se limiter soi-même, à enfermer ses interlocuteurs dans des étiquettes (“lui, il est cerveau gauche”), ou à acheter des formations inefficaces basées sur un mythe !
Non, vous n’utilisez pas “que 10 %” de votre cerveau
Autre idée reçue : nous n’utiliserions que 10 % de notre cerveau.
Ce mythe — jamais étayé — fait vendre des méthodes miracles de “déblocage de potentiel”. En vérité :
Tous les scanners IRM montrent une activité répartie dans tout le cerveau, même au repos.
Il n’existe aucune zone “inutilisée” : chaque région a une fonction, même si on ne la connaît pas toutes.
Alors, pourquoi ce mythe persiste-t-il ? Parce qu’il flatte l’idée qu’on aurait un “super-pouvoir endormi”… et qu’il suffirait d’acheter le bon outil pour l’activer.
🧠 Mais développer ses capacités, ce n’est pas “débloquer une zone magique”. C’est entraîner ses réseaux neuronaux, affiner ses modèles internes, ouvrir ses représentations.
La métaphore des 3 cerveaux : utile, mais inexacte
Vous avez peut-être déjà entendu parler du “cerveau reptilien”, du “cerveau limbique” et du “néo-cortex”. Cette image — popularisée par Paul MacLean dans les années 1960 — reste très utilisée, notamment en vulgarisation. Et pour cause : elle est parlante.
Mais elle est aussi faux-anatomique.
✔️ Il n’y a pas “trois couches” superposées comme des Lego.
✔️ Les émotions ne vivent pas que dans l’amygdale.
✔️ La raison n’est pas enfermée dans le front.
Alors pourquoi continuer à en parler ? Parce que c’est un outil pédagogique intéressant, à condition de bien poser ses limites.
🧠 On peut y voir trois grandes fonctions : réflexes de survie, émotions sociales, raisonnement abstrait — mais réparties partout dans le cerveau, et surtout, interconnectées.
Ce que le cerveau demande pour mieux juger
Si notre cerveau devine, interprète, simplifie… alors que lui faut-il pour mieux penser ?
🕰️ Du temps : ralentir permet de réengager la réflexion consciente.
🔁 Du contradictoire : entendre des avis opposés affine le raisonnement.
📊 Des données fiables : plus que de l’info, il lui faut de la clarté.
💬 Des émotions régulées : la peur ou la colère immédiates réduisent notre champ d’analyse.
Ce n’est pas une question d’intelligence. C’est une question de conditions.
Et de méthode.
Aller plus loin : la méthode CLARTÉ
La méthode CLARTÉ que je développe dans cette série est justement pensée pour prendre en compte les forces et les limites du cerveau humain, afin d’amener plus de justesse, de calme et de discernement dans nos choix.
Prochain article #3 :
Appartenances, croyances et ego — Pourquoi nos récits influencent (presque) toutes nos décisions.
📌 Vous pouvez aussi découvrir l’article #1 : Clarifier le réel
📌 Ou explorer deux sujets connexes :
Vous souhaitez cultiver un vrai discernement ?